Les grands débats sur la critique (son rôle, sa vie, son oeuvre) apportent un peu de joie et de lumière dans nos existences. Soudain volent les mots d'oiseau, fusent les cris de désespoir : le commerce et la pensée s'affrontent enfin à mains nues. Voyez la polémique Amélie Poulain, le cas Houellebecq, les diatribes de Patrice Leconte contre les «critiques assassins». Hélas! ces événements sont rares, et durent peu. Il faut donc féliciter Christophe Kantcheff (Politis) et Bertrand Leclair (la Quinzaine littéraire) d'avoir pris l'initiative de raviver la flamme en ouvrant jeudi dernier un «séminaire» au thème prometteur : «La critique impossible ?».
Les deux rebelles comptent tenir deux sessions par trimestre jusqu'à capitulation totale et définitive des forces obscures. Lesquelles regroupent pas mal de fripouilles : éditeurs devenus maîtres dans l'art du buzz et de la communication ; rédacteurs en chef réduisant l'espace de la critique au profit d'un «journalisme culturel» ; critiques eux-mêmes qui, les soirs d'hiver, sont pris d'un violent blues en s'interrogeant sur leur légitimité. L'analyse critique n'est-elle pas devenue une incongruité à l'heure du produit totalitaire : «film de l'année», «livre absolu», «expo incontournable» ? Déjà que les journaux se vendent mal, alors si en plus ils snobaient les grosses machines culturelles pour écrire sur des trucs dont tout le monde se fout...
Comme Kantcheff et Leclair ne voulaient pas discuter de ça juste entre eux au-dessus d'une