A l'époque de ses premières lettres, au début des années soixante, Charles Bukowski a 40 ans, vit à Los Angeles et boit environ 7 litres de bière par jour (sans compter le vin et le whisky). Il n'a pas encore quitté son emploi de postier qui inspirera en 1971 son premier roman, le Postier (1) ; ses chefs s'inquiètent des «obscénités» qu'il écrit quand, pour lui, la seule obscénité est déjà «ce qui est mal écrit». Il n'écrit d'ailleurs que depuis cinq ans, la nuit, des poèmes à deux litres à l'heure, qu'il publie dans des revues d'avant-garde. Le résultat ne le satisfait pas forcément : «Tout ce qui m'arrive est banal ou vénal, et peut-être que plus tard je me mettrai à écrire une poésie plus fleurie et versifiée, mais pour le moment j'en suis à pondre des choses aussi ternes et insipides que les collants d'une vieille dame...» (début décembre 1959).
Il ne peut plus lire Auden, Eliot et toute la «poésie cultivée» qui, d'après lui, continue à prendre le thé comme si l'on n'avait pas changé de monde : «Oui, les géants ne sont plus là, et c'est maintenant devenu un peu plus compliqué de regarder fixement la page blanche. Avant que ces géants ne meurent, tu pouvais te dire, eh bien, ils n'attendent rien de moi de toute façon. Dorénavant il y aura ce trou béant, et ce trou il va bien falloir le remplir (...) nous sommes redevenus des auteurs inexpérimentés, nous devons tout reprendre depuis le commencement. (...) Et pour ce faire, il faudra passer par la force, l'énergie, la magi