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Libération
Critique

Lakhs au goulag

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La vie de Polonais déportés en Sibérie en 1940.
publié le 3 novembre 2005 à 4h24

«Les chiens se mirent tout à coup à aboyer furieusement, et des inconnus en armes commencèrent à donner de grands coups avec la crosse de leur fusil dans les portes des masures. Les hennissements des chevaux, les beuglements du bétail effrayé se mêlèrent aux lamentations des femmes et aux pleurs des enfants. Ainsi sonna, pour les habitants de Czerwony Jar (en Ukraine occidentale, ndlr), l'heure tragique de leur déportation en Sibérie. Pour ceux qui s'intéressent à l'Histoire, notons la date exacte : c'était le 10 février 1940.»

Zbigniew Domino, l'auteur de ce document, avait 10 ans lorsqu'il fut lui-même déporté avec sa famille au fin fond de la Sibérie. Racontée à travers les yeux du jeune Staszek Dolina, son expérience sert de trame au livre. Plus d'un million de Polonais furent alors arrachés de chez eux, entassés dans des wagons à bestiaux et expédiés en Sibérie, dans la Russie arctique ou au Kazakhstan. Paysans, fonctionnaires, artisans, policiers, enseignants, mères de famille leurs nouveau-nés dans les bras, vieillards chancelants... Aux yeux de Staline, alors allié à Hitler, pour être issus de la «Pologne des seigneurs», ce sont tous des «contre-révolutionnaires». Quelques centaines de milliers survivront et rentreront après-guerre, dans une «Pologne populaire» désormais soumise au «grand frère» soviétique et aux frontières redessinées.

A la gare, les Polonais de Czerwony Jar retrouvent ceux des villages alentour. Tous vont être déportés dans des camps du goulag soviét