Que reste-t-il d'un écrivain aux illusions perdues ? Ni l'horizon, ni la colère. Il flotte dans un récit devenu trop grand, trop triste sans doute, comme étranger aux dépouilles de sa conscience. Les illusions de John Dos Passos ont levé en Espagne, où il se rendit pour étudier à 20 ans. Il aima le pays, son peuple, sa culture. Elles y finirent en 1937, vingt ans après, dans la pénombre stalinienne du camp républicain. En 1937, l'écrivain américain a 40 ans. Il est grand, mince, assez nerveux et presque chauve. Il vient de publier la Grosse Galette, dernière partie de sa trilogie USA (1). Time Magazine lui a consacré sa couverture. Il n'est pas communiste, mais il est engagé contre le fascisme, le capitalisme à tous crins et les appareils d'Etat. Son meilleur et plus vieil ami espagnol, José Robles Pazos, est depuis le début de la guerre agent de liaison entre le gouvernement républicain et les Russes. En décembre 1936, il disparaît.
Dos Passos rejoint l'Espagne en avril suivant. Il doit travailler sur place, avec Ernest Hemingway, au film de Joris Ivens, Terre d'Espagne, destiné à soutenir la cause républicaine. Son ami, l'anarchiste italien Carlo Tresca, l'a mis en garde à New York contre les actions des staliniens. Il ne l'a pas vraiment cru. Arrivé à Valence, il part aussitôt à la recherche de son ami perdu. Il ne sait pas encore que des communistes l'ont assassiné ; nul n'en aura jamais la preuve.
A son départ, quelques mois plus tard, Dos Passos publie un article, «Adieu