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Libération
Critique

Faire de l'impolitique

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Roberto Esposito et la crise de la représentation.
publié le 10 novembre 2005 à 4h30

Les hasards de la traduction, en philosophie comme ailleurs, font souvent qu'un ouvrage arrive au lecteur en avance par rapport à un autre, du même auteur, qui l'a même rendu possible. L'inversion du fil de la pensée n'est pas forcément négative, en ce qu'elle permet d'admirer d'abord l'édifice accompli, pour n'en visiter qu'à travaux finis les entrailles du chantier. C'est un peu le cas de Roberto Esposito dont Catégories de l'impolitique a été publié en Italie en 1988, mais a été anticipé en France par sa suite logique : Communitas (Einaudi 1998, PUF 2000). Cette sorte de déconstruction involontaire ne devrait pas déplaire à un penseur qui n'a de cesse d'interroger les concepts les mieux établis du politique par leur démontage radical. Cependant, c'est la philosophie politique elle-même qui s'invente ainsi, non par une création originale de nouveaux objets théoriques, mais par des déplacements, où les concepts sont moins soumis à une attaque frontale, une usure par le centre, qu'à des torsions à leur marge qui, par l'impulsion d'une nouvelle trajectoire, changent leur sens. Catégories de l'impolitique illustre parfaitement la démarche d'Esposito, puisque l'impolitique chez lui n'est pas la négation du politique, mais son bord extrême, ce qui reste en dehors de la représentation ­ qu'on la prenne dans l'acception de mandat ou d'image du pouvoir. En effet, cette question de la représentation est au coeur du politique moderne ­ dans sa double forme antagoniste de délégation d