En exergue de ce deuxième roman, paru en 1988 aux Etats-Unis, Richard Russo précise que «la ville de Mohawk, comme ses habitants, n'existe que dans l'imagination de l'auteur.» L'imagination est un corps malade de souvenirs qui meurt et ressuscite dans un linceul de papier relié ; c'est sa chance de survie plus que de guérison. Le modèle de Mohawk est bien la ville où l'écrivain américain passa son enfance, Gloversville, la ville des gantiers, Etat de New York. Mohawk était d'ailleurs le titre de son premier roman, publié deux ans plus tôt. Gloversville-Mohawk est une agglomération de tanneurs en déroute plantée dans la nature belle et froide, près des monts Adirondacks. Adirondack signifie «mangeur d'arbres», c'est un sarcasme indien et ce pourrait être la définition de n'importe quel livre, d'un livre comme celui-là, le minutieux récit des mots et gestes d'une famille et d'une communauté qui flottent dans le débrouillis. Des hommes mangent des arbres en gros pour mieux parler dans le détail d'hommes qui vivent là où ils ne poussent plus.
Gloversville comptait 25 000 habitants en 1950 et 16 000 quarante ans plus tard. L'histoire du jeune Ned Hall, le narrateur de Quatre saisons à Mohawk, se déroule à cette époque : entre 1947, date de sa naissance, et le début des années quatre-vingt, où il est devenu éditeur à New York. Russo décrit fort bien la vie quotidienne d'une petite ville abandonnée par le destin économique et par ses riches, qui, fortune faite, ont placé leur fortun