Les Achuar vivent au bord de la rivière Kapawi en Amazonie, nous apprend l'anthropologue Philippe Descola. Parmi les «existants» qui peuplent leur monde, certains respectent les mêmes règles matrimoniales qu'eux et leur sont donc très proches : les esprits de la rivière, mais aussi le singe laineux ou le manioc. Ils se sentent moins d'affinités avec le singe hurleur et le chien, qui se complaisent dans la promiscuité sexuelle, et moins encore avec les esprits des morts, le jaguar et l'anaconda, qui ont malgré tout leur utilité : les chamans les utilisent pour combattre leurs ennemis. Jeune anthropologue, Descola a vécu trois ans parmi les Achuar. De ce séjour, il a tiré une thèse (dirigée par Claude Lévi-Strauss) et, en 1993, un livre passionnant, érudit et subjectif, les Lances du crépuscule («Terre humaine», Plon). Cette fois, ce petit peuple de 6 000 individus lui fournit le point de départ d'une réflexion sur l'humanité tout entière. Comment les groupes humains perçoivent-ils le monde et quelles conséquences cela a-t-il sur l'organisation des sociétés ? Philippe Descola, aujourd'hui titulaire de la chaire d'anthropologie de la nature au Collège de France, nous affirme que l'opposition nature/culture n'existe que dans l'Occident moderne. Il nous montre comment le concept de nature est à l'origine d'une cosmologie une organisation du monde très particulière, qu'il qualifie de «naturaliste». Cosmologie qui, à son tour, a permis l'émergence de productions culturelles don
Interview
Le monde plié en quatre.
Article réservé aux abonnés
publié le 17 novembre 2005 à 4h36
Dans la même rubrique