Je suis un éditeur qui lit peu. Je publie surtout des traductions, or je ne lis aucune langue étrangère couramment. J'ai le plaisir de découvrir des textes en lisant des épreuves des traducteurs.» Il faut la stature et la culture de Christian Bourgois pour assumer, tranquillement, une déclaration si peu orthodoxe, recueillie par Sylvain Bourneau dans le cadre de l'interview filmée qui ouvre l'exposition consacrée, au Centre Pompidou, à ses «quarante ans d'édition». Quarante ans, en tout cas, d'existence de sa «maison», dont l'histoire (forte de la publication de 1600 titres) s'inscrit au travers des rencontres et des fidélités d'auteurs : il y en a aujourd'hui quelque 140 au catalogue des éditions Bourgois, et parmi eux beaucoup, rappelle-t-il, dont il a publié de dix à à quinze livres successifs. Il a tenu à les présenter au travers de modules qui sont autant d'hommages parallèles à ces collaborateurs importants que furent et restent Gérard-Georges Lemaire, Brice Matthieussent et Jean-Christophe Bailly.
Allure élégante et chics lunettes sombres posées sur «une myopie de taupe» (dixit l'intéressé lui-même), Christian Bourgois a commencé à se faire remarquer dans le monde éditorial bien avant de créer enseigne à son nom. Né loin de Saint-Germain-des-Prés, à Antibes, en 1933, ce brillant sujet (condisciple de Chirac en math-élem à Louis-le-Grand) semblait devoir s'orienter vers d'autres horizons. En mai 1959, il quitte cependant l'ENA (où il était entré en major de la section é