A 8 ans, Robert Caron découvre par hasard une liste des Cent chefs-d'oeuvre de la littérature française. Il a dix frères et soeurs ; la famille est pauvre ; il aime lire. Pourquoi aime-t-on lire ? Et pourquoi pas ? Il commence par la lettre A, comme Edmond About, auteur de l'Homme à l'oreille cassée. Il suit la liste avec méthode et obstination. Don Quichotte le ralentit un peu, mais lui plaît encore. «J'ai calé à la lettre P, comme Proust, se souvient-il. Je ne comprenais pas ce type qui mettait trois pages à fermer une porte. J'ai longtemps porté sur moi la culpabilité de ne pas y arriver. Tous ceux qui m'en disaient du bien me faisaient du mal.» Plus tard, il en conclut qu'on ne fait pas aimer la bonne littérature avec de bons sentiments pas seulement.
Aujourd'hui, Robert Caron dirige le centre Paris-Lectures. Il organise de délicates opérations de commando littéraire dans les écoles et les collèges : les «actions-lecture». Les enfants sont souvent d'origine étrangère, en difficulté avec la langue et ses implicites culturels. Pendant deux semaines, les élèves travaillent sur un sujet dans lequel entrent, peu à peu, les livres: le tramway, la vie quotidienne à la maison, la «maman» dans la littérature de jeunesse, les expositions Jean Cocteau ou Roland Barthes au Centre Georges-Pompidou. Quel que soit le thème, les enfants pénètrent «en ethnologues dans la littérature», mi-espions, mi-détectives. Ils font des enquêtes, des inventaires, à la recherche de l'île au trésor :