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Libération

Le degré zéro de la lecture.

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Des commandos littéraires pour écoliers et collégiens.
publié le 1er décembre 2005 à 4h45

A 8 ans, Robert Caron découvre par hasard une liste des Cent chefs-d'oeuvre de la littérature française. Il a dix frères et soeurs ; la famille est pauvre ; il aime lire. Pourquoi aime-t-on lire ? Et pourquoi pas ? Il commence par la lettre A, comme Edmond About, auteur de l'Homme à l'oreille cassée. Il suit la liste avec méthode et obstination. Don Quichotte le ralentit un peu, mais lui plaît encore. «J'ai calé à la lettre P, comme Proust, se souvient-il. Je ne comprenais pas ce type qui mettait trois pages à fermer une porte. J'ai longtemps porté sur moi la culpabilité de ne pas y arriver. Tous ceux qui m'en disaient du bien me faisaient du mal.» Plus tard, il en conclut qu'on ne fait pas aimer la bonne littérature avec de bons sentiments ­ pas seulement.

Aujourd'hui, Robert Caron dirige le centre Paris-Lectures. Il organise de délicates opérations de commando littéraire dans les écoles et les collèges : les «actions-lecture». Les enfants sont souvent d'origine étrangère, en difficulté avec la langue et ses implicites culturels. Pendant deux semaines, les élèves travaillent sur un sujet dans lequel entrent, peu à peu, les livres: le tramway, la vie quotidienne à la maison, la «maman» dans la littérature de jeunesse, les expositions Jean Cocteau ou Roland Barthes au Centre Georges-Pompidou. Quel que soit le thème, les enfants pénètrent «en ethnologues dans la littérature», mi-espions, mi-détectives. Ils font des enquêtes, des inventaires, à la recherche de l'île au trésor :