Longtemps, pour ses fans, Henry James ne fut le héros que d’un seul roman, celui que constitue le monument biographique en cinq tomes de l’Américain Leon Edel, absolue créature jamesienne lui-même. Mais voici que, depuis peu, des romanciers se risquent à faire de l’ auteur des Dépouilles de Poynton un personnage de fiction. La contribution de l’Irlandais Colm Toibin ne surprendra que ceux de ses admirateurs à qui aurait échappé son recueil d’essais Love in a dark time. James y est évoqué à travers le récit de l’aventure que connut cet encore très jeune homme avec son ami Oliver Wendell Holmes, futur juge à la Cour suprême, au cours d’une nuit de l’été 1865. Le matois Toibin accorde une place essentielle à cette anecdote dans le Maître, comme pour mieux stigmatiser le caractère à ses yeux le plus significatif du drame jamesien. La véritable image dans le tapis de la vie de James serait ce refus obstiné de se laisser aller à sa vraie nature. C’est cela qui, selon Toibin, aurait conditionné la plupart des grands événements de la traversée des apparences d’un écrivain qui aimait se comparer à un «monstre ruminant». La construction de son livre est habile, car elle superpose, sous forme de flash-backs, ces moments clés au fil d’une période couvrant les années 1895-1901, celles que Leon Edel nomme «les Années traîtresses» et qui précèdent l’écriture des romans de la maturité comme les Ailes de la colombe ou les Ambassadeurs, pour ne rien dire de nouvelles comme la Bête dans la jun
Critique
James refoulé
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par François RIVIERE
publié le 8 décembre 2005 à 4h52
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