Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture, n'est pas le grand garçon tout simple qu'il paraît être. C'est au contraire un esprit acéré et retors. A peine avait-il fini de lire les 500 longues pages du dernier Houellebecq (la Possibilité d'une île) qu'il sautait sur sa plume pour féliciter son auteur, lauréat du prix Interallié. «C'est un livre important et tragique» écrivait le ministre dans son communiqué, avant de préciser son propos : «Vous analysez avec une admirable acuité toutes les conséquences de l'âge.» Houellebecq note en effet à la page 313 : «Je ne bandais même pas assez pour qu'elle puisse me mettre un préservatif ; dans ces conditions elle refusa de me sucer, et alors quoi ? Elle finit par me branler, son regard obstinément fixé sur un coin de la pièce.» Ressurgit dans ces phrases limpides l'éternel conflit entre le vertical et l'horizontal, le ferme et le flasque, la vie et la mort.
Donnedieu poursuit : «Vous êtes aussi un grand romancier de l'amour.» Ah l'amour ! Houellebecq (p. 204) : «Mes fesses pendaient, et surtout mes couilles, elles pendaient de plus en plus, et c'était irrémédiable ; pourtant elle léchait ces couilles, et les caressait, sans en ressentir la moindre gêne.» Si ce n'est pas de l'amour, ça. Le ministre s'exclame : «Vos deux portraits de femmes sont magnifiques, dans leur vérité douloureuse.» L'auteur, à propos d'Esther (p. 219) : «Comme toutes les très jolies jeunes filles elle n'était bonne qu'à baiser, et il aurait été stupide de