Ils se sont croisés à Moscou lors d'une soirée, dans une rue, un jour d'enterrement. Un mot, un regard, rien. Enfants de l'intelligentsia russe fin de siècle, ils ont eu vingt ans avant la Révolution, lui en 1910, elle en 1912. Ils sont nés poètes. Elle est sa cadette mais son talent est déjà affirmé et admiré quand il peine encore sur ses vers. En 1917 il écrit Ma soeur ma vie et en parle comme d'une victoire.
En 1922, elle part à l'étranger retrouver son mari (un Russe blanc qui sera plus tard retourné par le pouvoir soviétique). Son exil l'entraînera à Berlin, à Prague, à Meudon et ailleurs en France, dix-sept ans durant. Lui reste à Moscou. Et c'est là qu'il tombe dans une librairie sur Verstes, un recueil de vers qu'elle a publié avant son départ. «Devant moi s'ouvrait un puits de force et de pureté. Il n'y avait rien de tel alentour», se souviendra-t-il plus tard.
Alors le 14 juin 1922, Boris Leonidovich Pasternak écrit à Marina Ivanovna Tsvetaeva. Il lui demande «pardon, pardon». Pardon de ne pas l'avoir rencontrée plus tôt, pardon de n'avoir pas découvert Verstes, cet «étalon de la poésie», dès sa sortie alors qu'elle habitait encore à Moscou. Il signe «B. Pasternak, bouleversé par vous». Elle lui répond le 29 juin : «Cher Boris Leonidovitch ! La tentation de l'heure nocturne et la première impulsion surmontées, je vous écris dans la blanche lucidité du jour. J'ai laissé votre lettre refroidir en moi, je l'ai laissée s'ensevelir dans les décombres de deux jours.»
Il doi