Est-ce calomnier le marquis de Sade qu'en dire du bien ? Est-ce diffamer l'homme, ses vingt-sept années de prison et son oeuvre dont Maurice Blanchot, dans un texte célèbre, a écrit que, «dans ce monde si relatif de la littérature», elle constitue «un véritable absolu» ? Si le nom de l'écrivain, avec les mots qu'il a engendrés dans la langue courante («sadisme», «sadique»), est associé au sexe, il ne l'est guère à l'amour. Cette dissociation quasi totale semble même au coeur de son génie, quand bien même on connaît le dévouement de sa femme (mais on sait aussi comment il en usa). Les lettres inédites, du marquis et de ses correspondants, que publie aujourd'hui Maurice Lever, la façon dont il les met en scène et les commentaires qu'il en fait, montrent Sade non comme sujet assoiffé de jouissance mais comme objet d'amour, ce qui est très différent.
Le titre du livre est curieux. Est étonnant aussi le texte dont il est extrait, une lettre du 15 septembre 1769 (Sade est né en 1740 et mort en 1814) provenant d'Anne-Prospère de Launay, soeur de l'épouse de l'écrivain et donc sa belle-soeur à lui, et retrouvée par le chercheur dans les archives familiales (1). La voici en entier : «Je jure à M. le marquis de Sade, mon amant, de n'être jamais qu'à lui, de ne jamais ni me marier, ni me donner à d'autres, de lui être fidèlement attachée, tant que le sang dont je me sers pour sceller ce serment coulera dans mes veines [la lettre, signale Maurice Lever, est effectivement signée avec du s