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Libération
Critique

Corée graphie

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A Séoul, les lendemains chantent, déchantent.
publié le 15 décembre 2005 à 4h58

Les intellectuels contre la dictature, les étudiants au service de la classe ouvrière. Même voix, partout. On dit : «La voie radicale était la seule qui paraissait pouvoir vaincre le désespoir et l'humiliation.» On dit : «Nous avions déjà conscience de notre échec. Cependant nous pensions qu'avec le temps, la vérité triompherait et que le monde changerait.» Hwang Sok-yong ajoute, avec cette délicatesse coréenne qui ne supporte jamais longtemps la langue de bois : «Comme un ruisseau qui heurte un rocher finit par l'user et le détruire.» Le titre de son livre désigne l'utopie, l'inaccessible éden entraperçu.

Le Vieux jardin, grand roman politique, s'en tient obstinément à l'échelle humaine. Le prisonnier, bras tendus de chaque côté, exercice du matin, repousse à deux mains les murs de sa cellule recouverte de givre en hiver. Il n'a pas le crâne rasé des droits communs. Parfois, il obtient des livres. Quand il fait la grève de la faim, quand il est mis au cachot, bâillonné de telle sorte que la salive trempe sa chemise, quand il apprivoise un pigeon, quand il pleure, le prisonnier se mesure de tout son corps au temps qui veut sa peau. Un jour, il sort. Il a passé dix-huit ans hors du monde, à l'extérieur on a continué sans lui. Le roman commence.

Sans doute l'histoire de la Corée depuis 1945 traverse-t-elle le récit entier, avec ses deux générations de révolutionnaires sacrifiés, mais le 18 mai 1980 constitue le socle. A cette date a lieu le massacre de Kwangju, une manifestation