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Libération

Les bronzés.

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publié le 15 décembre 2005 à 4h58

A cette époque de l'année, il est permis de jeter un rapide coup d'oeil par-dessus son épaule pour évaluer les dégâts des douze mois écoulés. Au rayon littérature générale, aucune catastrophe majeure ne semble à déplorer, aussi loin que porte le regard. Nul séisme, nul ouragan, pas même un feu de broussailles. Rien. L'année fut essentiellement consacrée à l'érection de statues.

En 2005, le sculpteur n'a cessé en effet de manier le ciseau, figeant dans la matière ce que les lettres nous ont offert de meilleur depuis l'aube de l'humanité. Prenez seulement les deux derniers mois. En octobre, Amélie Nothomb découvrait sa poupée de cire au musée Grévin. Début décembre, Nantes se payait un troisième monument à la gloire de Jules Verne, élevé vers la butte Sainte-Anne. Dimanche dernier était dévoilée à Villers-Cotterêts la statue du plus illustre enfant du pays, Alexandre Dumas. Cette inflation de statues a fini par intriguer l'Agence France-Presse, qui a jugé utile de dépêcher un correspondant à cette dernière cérémonie.

A Villers-Cotterêts, le journaliste a pu constater la présence de plusieurs milliers de personnes, dont un ministre de la Culture. Ce dernier a lancé d'une voix vibrante : «Songez à ce qu'il a pu accomplir, lui, le petit-fils d'une esclave, alors que l'esclavage n'était pas encore aboli.» Heureusement, le représentant de l'Etat avait épluché son discours de toute référence à la colonisation. Puis la parole fut cédée à l'immarcescible Alain Decaux, qui rappela que ce