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Libération
Critique

Cocteau et les «vieilles barbes»

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Quatrième tome du journal. Le poète est chahuté par les honneurs et la gloire médiatique.
publié le 22 décembre 2005 à 5h05

«Ah ! son Passé défini ! Tout ce qu'il écrivait dans la nuit, je le lisais le matin», s'exclamait, en 1983, Madeleine Bouret, la gouvernante de Cocteau interrogée par Michel Cressole. Dans ces cahiers ouverts sur la toile cirée de la cuisine-bureau de son obscure tanière de la rue de Montpensier, le poète s'est épanché de 1942 à sa mort d'une plume funambulesque, souvent peu indulgente, voire très vacharde.

Avec l'année 1955 s'amorce une ère encore plus irréelle et chaotique : «Il y a longtemps que je ne vis plus» ; les honneurs, la gloire médiatique et la pression d'un monde qu'il croit hostile le chahutent de plus belle. L'inverti public numéro 1 croit rêver lorsqu'il est élu simultanément à l'Académie royale de Belgique au fauteuil de Colette et, Quai Conti, à celui d'un des frères Tharaud. Un véritable feuilleton s'amorce alors sous nos yeux. Cocteau, terrorisé par ce qui l'attend, ne songe qu'aux deux discours de réception qu'il va devoir prononcer. «Le discours de Colette se forme la nuit dans ma tête. Le matin tout s'embrouille.» Son élection à l'Académie française, due essentiellement à la désaffectation des habits verts pour son rival, le collaborateur Jérôme Carcopino, ravive son inimitié pour Mauriac. Par ailleurs, les fans s'insurgent, l'un d'eux lui écrivant : «Pourquoi vouloir siéger parmi les vieilles barbes ?»

Mais un malaise encore plus profond étreint l'opiomane épuisé qui ne se reconnaît plus dans la glace et souffre d'une solitude de coureur de fond que ren