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Libération
Critique

L'Autriche aigrie

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Juifs et antisémites à Vienne dans les années 80. Roman à charge.
publié le 22 décembre 2005 à 5h05

«Au fond, pourquoi faut-il que je m'occupe sans arrêt des Juifs morts ? Quelle vie d'enfer !» se dit Dany Demant. Demant est le narrateur du Mur de verre, qui, à sa publication en 1992, a fait scandale en Autriche. La première phrase ­ «Les enfants de l'Aigle à deux têtes étaient pour la plupart des moutons passant leur vie à se vautrer dans la merde et le sang, si bien qu'à la fin, après sortie des abattoirs, personne n'était rassasié, excepté Dieu» ­ donne le ton de ce roman qui est le portrait d'une génération, celle des Autrichiens nés après la Seconde Guerre mondiale.

L'histoire se passe au début des années 80 dans les rues, les cafés et les appartements de Vienne, sous les pins de Lilienfeld, dans les splendides paysages des environs de Mauthausen, au moment où ont lieu en Autriche les procès des anciens nazis. Les protagonistes sont éditeurs, médecins, étudiants, designers ou sociologues, sans compter quelques réfugiés sud-américains, tous sont de gauche ou d'extrême gauche. Ils ne sont pas si différents de leurs équivalents français de la même époque, dans leurs particularités sociologiques, leurs choix politiques et leurs pratiques amoureuses. Enfants de nazis, de déportés, de militants communistes, ou de ceux qui ont détourné les yeux, ils sont encombrés du legs de la guerre, et voient un passé qui, à la différence du passé allemand, n'a jamais été complètement examiné, débouler dans leurs amitiés, leurs amours, leur rapport au monde.

L'histoire est essentiellement,