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Libération
Critique

Profession reporter.

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Sur trois générations, la chronique de l'âge d'or des «flâneurs salariés».
publié le 12 janvier 2006 à 20h02

«Actuellement, j'habite un véritable bouge qui est le meilleur hôtel de la ville ; j'écris ces lignes dans une chambre qui pue, sur une table graisseuse et branlante, énervé par le vacillement de deux bougies qui s'obstinent à ne pas tenir debout.» Ecrites en février 1904 lors de l'attaque japonaise sur Port Arthur, ces quelques lignes de l'envoyé spécial du Journal Ludovic Naudeau rendent assez bien compte de ce mythe qui traverse toute l'histoire de la presse moderne : grand reporter ! Tout à la fois éprouvante, nécessaire et héroïque, l'activité était en effet de celles qui pouvaient venir racheter les maux d'un journalisme décrié dès son origine, et signaler à l'horizon l'unique voie du salut. Dans une synthèse qui ramasse l'essentiel de l'information disponible, l'historien des médias Marc Martin s'est attaché à retracer la naissance et l'âge d'or de cette profession remarquable.

Trois générations se succèdent dans ce portrait de groupe. La première est celle des pionniers, qui émerge dans la seconde moitié du XIXe siècle. Le correspondant de guerre en fut la première expression. Suivant l'exemple britannique, certaines rédactions pourtant traditionnelles comme l'Illustration, le Temps ou le Figaro prirent l'habitude, dès la guerre de Crimée en 1855, de dépêcher un de leurs rédacteurs sur le théâtre des opérations. Portée par l'aventure et le goût des lointains, l'expansion coloniale constitua également un puissant catalyseur. Mais l'impulsion vint aussi du dedans, voire