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Libération

Tirez les premiers.

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publié le 12 janvier 2006 à 20h02

Un texte de loi devrait prohiber l'organisation de débats publics les lundis soir de janvier. Sombres heures durant lesquelles l'être humain normalement boulonné n'aspire qu'à une bonne soupe et à des mots croisés. C'est dire l'audace du laboratoire «Ecritures de la modernité», réunion de chercheurs du CNRS et de la Sorbonne Nouvelle, qui, ce 9 janvier, s'était mis en tête de rassembler un peu de monde dans un café parisien pour faire progresser la théorie littéraire. L'affiche, il est vrai, était bien alléchante : «Les nouveaux auteurs : autour des premiers romans». Si bien qu'une centaine de personnes se pointèrent à l'Entrepôt, agitateur culturel du XIVe arrondissement. A défaut de soupe, on aurait du sang : une vivisection en direct de primo-romanciers gonflés de fantasmes (un cinquième du public), puis l'analyse toute scientifique de fines tranches de cervelle pour y traquer les globules de l'ambition littéraire.

Le débat eut finalement deux qualités : il fut court et il fut cruel. Un premier roman n'est qu'exceptionnellement un bon roman, d'ailleurs c'est généralement le dernier de son auteur. Il s'en écrit des tonnes, c'est quasiment un problème écologique. Un éditeur de chez Robert Laffont, primo-romancier lui-même, vint rapporter ces chiffres alarmants : 20 manuscrits reçus chaque jour et seuls 4 ou 5 publiés dans l'année. Les bébés-phoques ont de meilleures chances de survie. Au début des années 90, Jean Rouaud a fait des dégâts considérables en passant directement