Des livres, on dit qu'ils «sortent», comme les gens qui vont se promener ou faire les courses, et donc se rencontrent. De la rencontre, inopinée, naît toujours quelque chose de nouveau, en l'espèce une vision nouvelle, faite de la «somme» de deux regards différents. Aussi, à provoquer celle entre les ouvrages de Florence Burgat (Liberté et inquiétude de la vie animale) et de Laurent Gourmelen (Kékrops, le Roi-Serpent), obtient-on une vue synoptique de la façon dont l'animal a été pensé, depuis l'aube mythique de la philosophie jusqu'aux plus récents développements de la phénoménologie.
Kékrops n'est pas le plus connu des personnages mythiques : né de la Terre, être double et hybride, à la fois homme et serpent, il est pourtant le père primordial des Athéniens. Laurent Gourmelen en explore toutes les facettes dans son livre, issu d'une thèse de doctorat et évidemment très détaillé. A travers Kékrops, il étudie le «sol» sur lequel Athènes fait reposer son identité, ainsi que l'origine et la particularité politique de la cité grecque. Mais, également, la façon dont la référence au «roi-serpent» permet tantôt d'établir une médiation, tantôt de tracer une frontière entre l'homme et l'animal. Pour être homme, l'homme a dû se séparer des dieux, et l'a fait lorsque la victime sacrificielle, selon le mythe, a été partagée inégalement, lorsqu'aux dieux ont été réservés «la fumée et le fumet, nourritures impalpables et éternelles, semblables à leur nature», et aux hommes «les chairs mor