Les frères Vaïner ont écrit la Corde et la pierre à la même époque que l'Evangile des bourreaux (1). A la fin des années 70, quand l'Union soviétique était dirigée par Léonide Brejnev, période qui fut caractérisée comme «la stagnation». Arkadi et Gueorgui étaient alors l'un journaliste et l'autre juriste, spécialités étranges dans un pays où la liberté de la presse n'existait pas et le droit ne servait pas à grand-chose. Ils n'ont publié ce diptyque à Moscou que treize ans plus tard, en 1990, un an après la chute du mur de Berlin, quelques mois avant le passage de la Russie du soi-disant socialisme au capitalisme dur.
Dans ces deux livres, les frères romanciers font un va-et-vient entre deux URSS : celle dans laquelle ils écrivent, désespérante, et celle, de vingt-cinq ans plus ancienne, du crépuscule terrifiant du règne de Staline, que leurs personnages atteignent par le biais d'une enquête ou de souvenirs. Ici, les deux protagonistes, Sulamith et Alexeï, sont amants mais issus de milieux très différents. Ils se sont connus dans un bus.
Sulamith, dite Ula, est la fille de Moïssei Guinzbourg, qui aurait été tué en janvier 1948, le crâne fracassé à coups de barre de fer, en même temps que Salomon Mikhoels, le Chaplin juif, star du théâtre soviétique et personnalité docile que le tyran rouge avait pourtant décidé de rayer de l'état civil. Cette femme d'une trentaine d'années travaille dans un centre de recherches étroitement surveillé par des nullités bureaucratiques. Elle est s