En septembre 2003, un homme de 32 ans au visage fin et tout en feuille de nerfs, dont le profil semble découpé et suspendu dans l'air du printemps, décide de noter, à propos des classes de quatrième et de troisième auxquelles il enseigne, une anecdote par jour, dialogue ou histoire. Comme tant d'autres, mais avec une sorte d'enthousiasme muet, presque méchant, il a le sentiment d'être «ici au coeur des contradictions d'une société, au point névralgique, là où ça ne marche plus». Il a aussi la conviction qu'il faut, sans plainte ni mélancolie, le donner à lire. Sa volonté n'est d'écrire ni un «livre de prof, en général réactionnaire et apeuré, ne décrivant que les trains sensationnels n'arrivant pas à l'heure», ni «un essai dans lequel, le plus souvent, le grand absent est la classe elle-même».
François Bégaudeau est depuis neuf ans professeur de lettres, mais il préfère se qualifier de professeur de français : «C'est plus conforme à ma fonction. La plupart des problèmes viennent de la déception. Les nouveaux professeurs pensaient enseigner la littérature et ils se retrouvent ici pour enseigner la langue. Il y a un hiatus à la Ionesco entre la formation et l'expérience.»
Il a d'abord enseigné dans un lycée à Dreux ; il travaille aujourd'hui dans un collège parisien baptisé Mozart, toujours en ZEP. Ses grands-parents étaient paysans ; ses parents, instituteurs. Il fut bon élève. Il a aimé Sartre, Camus, et n'aime plus le second. Sa maîtrise portait sur Faulkner et Claude Simon.