Deux hommes et une femme. Ils s'appellent Bôn, Hoan, et Miên. Retenons leur nom, nous allons passer quelques centaines de pages en leur compagnie. Les cent premières font peur. La situation est inextricable, il n'y a aucune raison que le livre s'en sorte. Bôn, le pauvre soldat, est de retour après quatorze ans d'absence. Il passait pour mort. Son épouse, Miên, est remariée depuis dix ans avec Hoan, propriétaire prospère. Ils ont un petit garçon, une maison sublime, des plantations, ils s'aiment d'un amour profond, exaltant et paisible. La séparation est terrible. Mais, puisque Bôn est de retour, Miên se doit de réintégrer son lit, sa misère, sa masure.
Ces deux hommes et cette femme ont en commun le Hameau de la Montagne, paysage de leur enfance. Ils partagent à présent un épais désespoir, sous l'oeil des villageois, incarnation du préjugé et de la girouette, c'est selon, qui veillent à ce que la morale soit sauve. Bôn, la plupart du temps impuissant, se jette chaque nuit sur Miên qui reste de glace. Ensuite, Miên se baigne dans une décoction d'herbes de la vierge, dont Bôn sait bien que «c'est un bain pour se débarrasser de toutes les impuretés d'une existence vulgaire». Pendant ce temps, Hoan confie la maison à un vieux gérant, l'enfant à une tante, et il fait des affaires en ville, où ses soeurs tiennent le magasin familial. Il finira par fréquenter des prostituées, «hors des normes de l'amour que son père lui a enseignées».
De ce marasme où les personnages remâchent leur t