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Libération
Critique

84 ans en bouteille

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Le philosophe Marcel Conche fait, pas mécontent, le tour de sa vie avec des «si».
publié le 16 février 2006 à 20h21

Si l'homme ne mourait plus, la philosophie cesserait d'exister. Mais philosopher, est-ce apprendre à mourir ? Montaigne l'écrivit. Quelques siècles plus tard, après tant d'uns et avant d'autres, Marcel Conche semble le penser. Il est philosophe. Il a enseigné. Il a écrit de nombreux livres, sur Héraclite, Parménide, Lao Tseu, Montaigne. Le 22 mars, il aura 84 ans. Sa femme est morte : l'un des beaux chapitres de son nouveau livre décrit une de leurs journées ordinaires, quand déjà elle n'est plus autonome. L'infini vit dans la tendresse et les détails du déambulatoire, du bouillon et de la viande coupée.

Conche sent maintenant que la fin approche. Il écrit comme on s'habille avant la cérémonie, une cérémonie particulière où l'habit, à la fois amidonné et simplifié, ferait vraiment, ferait enfin le moine. Il n'écrira pas son grand livre sur Empédocle, dit-il, car comment «s'engager dans une tâche qui supposerait que je vive des années» ? A la place, voilà donc Avec des «si» : 84 brefs chapitres numérotés en romain. 84, comme autant d'années. 84 «petits développements qui supposent, chacun, que je me donne quelques heures de vie.» 84 pièces qui, par le ton, la préciosité grammaticale, une autosatisfaction pleine de modestie, la volonté très travaillée d'être naturel et d'avoir l'air détaché, font de l'ensemble un texte qui ne ressemble à rien et se fait aimer pour ça jusque dans ses défauts.

Avec des «si» est une caresse autobiographique sous forme de journal, parfois daté, souv