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Critique

Passons aux salons

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Les cercles littéraires du XVIIIe siècle : Antoine Lilti dissèque les rites et le mythe.
publié le 16 février 2006 à 20h21

Dès le moment où un salon reçoit des écrivains, il est qualifié de «littéraire», quant à savoir ce que recouvre cette épithète, c’est une autre histoire, à laquelle se consacre Antoine Lilti ; rompant avec les approches descriptives des salons de l’Ancien Régime et à l’inventaire vétilleux de leurs participants, il s’attache à faire la généalogie des pratiques et des représentations.

Le XIXe siècle républicain, jamais à un paradoxe près, déplorait la mort des salons de l'aristocratie et portait le deuil d'un âge d'or de la conversation. Certes les «salons de la démocratie», autrement dit les cafés, allaient prendre une place importante dans le champ littéraire et politique, mais les salons survivaient, recherchant leur légitimité dans l'histoire. Aussi est-ce à cette époque que «s'invente» le salon, terme impropre pour le XVIIIe siècle où l'on parlait plutôt de société ou de cercle. Les salons fonctionnent alors, écrit Antoine Lilti, «comme une métonymie du XVIIIe siècle dans son entier, si ce n'est de la culture française». Sainte-Beuve, les études des Goncourt sur le XVIIIe siècle, les mémoires et les romans accumulent une énorme masse documentaire, couronnée bien évidemment par le déchiffrement qu'en fait Proust dans la Recherche. Un imaginaire des salons promus «lieux de mémoire» allait en orienter pour longtemps une perception nostalgique.

Antoine Lilti déconstruit son objet en évitant toute typologie factice. Un salon est un «espace domestique», il implique une certaine