La mort rend sexy. Grisélidis Réal, soixante-quinze ans, écrivain et prostituée, s'en étonnait au printemps dernier, en phase terminale d'un cancer, quand tous les journaux s'arrachaient l'histoire de sa vie. «Au bord de la tombe, on me déroule le "Tapis rouge", je n'en reviens pas, c'est un miracle, les larmes me monteraient aux yeux si je ne les retardais pas.» Les éditions Verticales venaient de faire reparaître Le noir est une couleur et donnaient à lire son Carnet de bal d'une courtisane, répertoire barbelé de ses clients. Mais, jusqu'alors, ses livres avaient tous fini aux étals des soldeurs et la critique n'avait grincé qu'une moue de dégoût devant sa belle candeur.
On pourra considérer, si cela amuse ou rassure, que la Passe imaginaire et les Sphinx sont de simples documents. Puisqu'il s'agit de lettres adressées à Jean-Luc Hennig de 1980 à 1991 et de 2002 jusqu'à la mort, lettres feintes, d'écrivain, auxquelles Hennig ne répond que par des cartes postales, les sachant destinées à la publication. En réalité, ce sont surtout de la littérature bien forte, bien infusée, un vrai torrent d'écriture, de beauté convulsive qui vous saute au paf, violente et drôle : «... Je chie sur Dieu ! C'est une honte d'avoir fabriqué une planète pareille... Et ce vieux con voudrait encore qu'on se mette à genoux pour lui dire merci ! Il faudrait lui foutre tous ses sapins de Noël dans le cul ! Avec les aiguilles (surtout les sapins bleus, les plus chers qui durent plus longtemps et piquen