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Libération

Attention à la peinture.

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publié le 23 février 2006 à 20h26

Gregor von Rezzori, né en 1914 et mort en 1998, a été une sorte d'écrivain austro-hongrois quand l'Autriche-Hongrie n'existait plus, revendiquant une écriture d'un autre temps et d'un autre monde, aucunement démodée mais à la fois nostalgique et ironique à l'égard de l'histoire et de la géographie. On pourrait qualifier d'impérial son style, fait de longues phrases à la structure sophistiquée, proustienne, où l'analyse et la narration vont immanquablement de pair, même si Rezzori se situe plus évidemment dans la lignée de Hermann Broch et Robert Musil.

Le Cygne est un texte tardif de l'auteur de Mémoires d'un antisémite (l'Olivier) et de la Mort de mon frère Abel (Salvy), puisqu'il date de 1994, tout à fait fidèle à la manière de Rezzori, en particulier dans sa manière de raconter la cristallisation d'une époque même et sa survie chez les descendants de ceux qui l'ont réellement vécue (Tania est la soeur du narrateur et on sait, de Musil à Thomas Bernhard, comme la soeur est un personnage capital de la littérature autrichienne) : «Pour ma part, en tout cas, je préférais encore me réfugier derrière la banalité avant que les mensonges de la tradition ne m'assaillent, tandis que, du point de vue affectif, Tania marchait pour ainsi dire sur la pointe des pieds, abandonnée à un flot de sensations qui devaient immanquablement lui apporter un défilé d'impressions que l'oncle Sergueï de notre enfance, que nous aimions si profondément, menait comme la danse macabre d'une époque de not