Cela aurait pu s'appeler Marguerite et les présidents. Début 1986, Ronald Reagan, qui a imposé au monde son America is back, compte en France une admiratrice inattendue : Marguerite Duras. Cette année-là, l'écrivain est à son zénith. L'Amant s'est vendu à plus d'un million d'exemplaires, suivi de la Douleur, qui raconte le retour de camp de son mari, Robert Antelme. Comble de la gloire, la voici à cinq reprises face à François Mitterrand, envoyée par l'Autre Journal pour une série d'entretiens. Une histoire hors du commun les lie : Mitterrand, Antelme et Duras appartenaient au même réseau de résistance, Mitterrand avait failli se faire arrêter en même temps qu'Antelme rue Dupin et surtout c'est lui qui, par une formidable coïncidence, avait retrouvé Antelme à Dachau après la défaite du Reich. Ce fut naturellement le premier sujet abordé lors de ces entretiens et c'est lui qui est mis en exergue en titre pour leur republication : le Bureau de poste de la rue Dupin.
Au fil de la conversation, un autre sujet se fait jour ; d'abord dans la confusion, puis de façon de plus en plus obstinée. Marguerite Duras veut parler politique : la politique française, la politique internationale. En particulier, elle veut parler de Reagan, dire sa fascination et affirmer son soutien aux bombardements américains en Libye. Mitterrand fait la moue, Duras revient à la charge une fois, deux fois et, finalement, le sujet occupe la totalité du dernier entretien. «Moi, j'aime l'Amérique, je suis reagan