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Libération
Critique

Où avais-je la tête?

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Le décapité avait la caboche sur les épaules.
publié le 9 mars 2006 à 20h34

Ted veut se tuer. Il est professeur d'université depuis huit ans, mais pas titulaire, parce qu'il n'a rien publié, à peine deux articles et son livre vit dans un tiroir. Il a deux enfants et une femme, qu'il a trompée avec deux-trois étudiantes. Il se sent minable, veut en finir. Mais Ted, parti se tuer, est victime d'un accident de la route : sa tête, tranchée au pare-brise, roule sur la chaussée...

Ted, sa tête recousue par les pompes funèbres, est exposé dans une église. Il y a foule : femme, famille, collègues, mouchoirs, nez qui coulent. Soudain Ted, sa tête couturée, son buste habillé de travers, se redresse dans le cercueil. Il est mort mais vivant, c'est impossible. Panique, émeute, hélicoptères noirs ! Bientôt, les voici, sa famille, sa tête cousue et lui, retranchés dans leur maison, elle-même assiégée par les équipes de télé : «J'ignore si je suis vivant ou mort. Il paraît que les images ne mentent pas. J'ai vu l'image de ma tête sur le sol. Mais me voici. Peut-être l'image a-t-elle menti. Ou alors celle que vous regardez en ce moment. Peut-être ne suis-je pas là en train de vous parler. Mais, moi, je ne mens pas en tout cas. Je ne mens plus. Laissez-nous en paix, avec ma famille, je vous en prie. Je demande aux médias de quitter la maison et à vous tous de vous mettre en quête de la vraie vie.»

Bien sûr, le nouveau Ted ne sera guère laissé en paix. Attirant foudres et délires passionnels, il se verra «promu du rang de démon à celui de messie», et inversement. Il es