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Libération
Critique

Camorra cachée

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A Caserte, près de Naples, la mozzarella mûrit, les morts continuent à vivre et les vivants à mourir.
publié le 16 mars 2006 à 20h39

Splendide et un peu spectrale, moitié musée et moitié caserne, la Reggia est toujours là, quoique Caserte ne soit plus le Versailles des Bourbons de Naples mais la capitale de la mozzarella. C'est en effet pour jalouser Louis XIV que l'un de ses neveux (devenu, via l'Espagne, roi des Deux Siciles) s'est fait bâtir ce palais à la campagne, juste un peu plus imposant que celui de son oncle. Les bufflonnes, c'est un autre Bourbon qui les a fait venir de l'Inde pour approvisionner la Cour en fromage frais, les bovidés locaux ne pouvant survivre dans cet enfer marécageux et malarique. Les vachers et les paysans non plus, qui ont dû garder ce bétail révolutionnaire en payant de leur vie l'invention de la pizza, qui a suivi de peu. Les aristocrates ayant foutu le camp, les bourgeois, les modistes, les coiffeurs, les artisans, la pègre, les putains, sont restés et ont prospéré en multipliant commerces et trafics. Des Maghrébins, Sénégalais, Nigériennes et autres sans-culottes venus d'ailleurs se sont infiltrés dans les interstices et gênent le champ de vision des autochtones en dépit de leur transparence et de leur utilité. Entre la façade du Palais royal et Naples, il n'y a plus qu'une horrible périphérie, où règne la Camorra, que l'on subit ou dont on profite. La vie y grouille et des existences s'en suivent, assez fantomatiques, que tente de sauver, par pitié ou par horreur, Antonio Pascale dans la Ville distraite et l'Entretien des sentiments, deux livres aussi puissants que dif