Le visage a à voir avec la vue avec, à la fois, ce qui est donné à voir ou est vu, et ce qui voit, ce qui fait attention à bien voir, ce qui «s’avise» de correctement «viser» ce qui doit être vu. Le visage expose au monde et est ce par quoi le monde s’expose, ou, photographiquement, «pose». Quand on envisage, on «a en vue», on se représente avant l’heure ce qui arriverait si on se trouvait «en face de», en face du visage réel. Quand on dévisage, on défigure, on abîme ou flétrit le visage, littéralement on l’ôte, ôtant ainsi la possibilité de «faire voir» ce que l’on est et de voir, ou recevoir, ce qui vient du monde. C’est pourquoi la personne dévisagée se sent «chose», réduite à un corps, une peau, une forme, une apparence, parfois une marchandise : on l’a privée, disons, de sa conscience, grâce à laquelle son intériorité s’extériorise et l’extériorité s’intériorise. Il faudrait entrer dans d’épineuses questions théologiques et philosophiques pour savoir si Dieu a un visage, ou si l’animal en a un. Mais, de ce que l’homme a assurément un visage, puisqu’on peut le lui arracher (ou momentanément le cacher, dans la torture par exemple), on peut induire que le visage est l’homme, qu’il est ce que tous les hommes ont en commun, l’humanité même de l’homme, alors que la «face» les traits particuliers d’un visage serait ce que chaque individu a en propre. On comprendrait dès lors où naît le mépris de l’humain, où commencent toutes les formes de racisme, de xénophobie, d’ostra
Critique
L’accent sur Levinas
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par Robert Maggiori
publié le 16 mars 2006 à 20h38
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