C omment raconter des souvenirs d'enfance ? Comment les choisir, les décrire, les aimer peut-être, mais sans trop les couvrir d'un miel de complaisance ou d'attendrissement rétrospectif ? On remplit si souvent l'enfance des bons sentiments et des rêves qui lui manquent, comme pour se pardonner ce qu'on est devenu. Après tant d'autres dans la collection «Haute enfance», la mathématicienne Stella Baruk choisit donc avec soin ses miettes de madeleine.
Elles sont parfumées à la cannelle et à la fleur d'oranger. Elles reposent sur une nappe orientale cosmopolite, propre et bien repassée, avec des arabesques fantaisistes cousues à la main par des jeunes filles rêveuses, malines et sages, éduquées par des bonnes soeurs. Ces jeunes filles parlent un français impeccable que fertilisent, comme des abeilles, quelques mots anglais, persans, arabes. La mathématicienne rassemble finalement les miettes en trois tas : Iran (Yezd), Syrie (Alep), Liban (Beyrouth) pays où elle a grandi, sans connaître la France, jusqu'à l'adolescence.
Fille d'instituteurs juifs devenus directeurs d'école, elle est née à Yezd, en Iran, probablement dans les années trente : aucune date ne fixe les événements de ce livre proustien jusque dans sa texture ; la chronologie et le journalisme sont laissés à l'imagination du lecteur. A travers des détails, des scènes et des portraits, Stella Baruk cherche avant tout à restituer des parfums, des ambiances, de petites musiques intimes, et, modestement, de manière inabout