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Libération
Critique

En pâle estime

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Tribulations kafkaïennes et drolatiques d'un Arabe israélien, à égale distance de deux mondes.
publié le 23 mars 2006 à 20h42
(mis à jour le 23 mars 2006 à 20h42)

Le narrateur est journaliste dans un quotidien de gauche israélien. Il a dû quitter la petite ville où il habitait depuis quelque temps pour retourner vivre, avec femme et enfant, dans son village natal. C'est un brave garçon qui entretient des relations normales, et même aimantes, avec sa femme, ses parents, ses frères, mais de ce qui est important (par exemple, le voilà au chômage technique pour cause de deuxième Intifada, même si aucune explication ne lui a jamais été donnée), il ne parle jamais avec eux. Au lieu de quoi, il y pense toute la journée, en discute avec lui-même, se décourage, s'exhorte à faire quelque chose, mais quoi. Le narrateur, Arabe et citoyen israélien, nous décrit une réalité objectivement délirante, en même temps qu'il nous entraîne dans une forme purement kafkaïenne de paranoïa, mais, comme on sait, même les paranoïaques ont des ennemis, surtout dans ce coin du Moyen-Orient.

Dans Et il y eut un matin, tout est absurde, terrifiant et extrêmement drôle. Faute de travailler, notre journaliste dort beaucoup, mange chez sa mère, observe, et balance tous azimuts. La paranoïa, la lâcheté, l'hypocrisie des journalistes de gauche (juifs) israéliens. «Je les déteste, comme je me déteste d'avoir voulu croire que j'étais comme eux (...). Je jouais les bouffons pour les distraire, mais (...) ils s'ingéniaient à me faire sentir ma différence.» La mesquinerie, le conservatisme, l'arriération de la société arabe traditionnelle. Le village où une femme ne peut pas a