Menu
Libération
Critique

En quête des poètes disparus

Article réservé aux abonnés
Bolaño narre l'épopée viscérale et mexicaine des infraréalistes.
publié le 30 mars 2006 à 20h46

Au milieu des années 70, quelques poètes de 20 ans d'une agressivité désespérée forment un groupe d'action littéraire au Mexique : les infraréalistes. Ils ne croient qu'en la littérature tout en sachant qu'elle ne mène à rien. Ils en pleurent, ils en rient. Le nom de Lautréamont revient souvent. La littérature est comme le reste, une magie et une possibilité qui s'éteint.

Vingt ans après, en 1998, le Chilien Roberto Bolaño publie à Barcelone son premier grand roman, les Détectives sauvages. Il y réinvente la destinée du groupe auquel il appartint. Les infraréalistes sont devenus les «réalistes viscéraux». Viscère est un mot qui convient : leur romance concerne tous ceux pour qui lire et vivre sont une même passion organique et désenchantée, un même ratage. Son énergie est sans limite. Le jeune poète qui tient son journal au début du livre résume l'expérience infraréaliste, celle du lecteur et le minimum de ce que devrait être l'existence. Il a quitté sa famille et écrit : «Je me suis mis à penser sans le vouloir à ma tante, à mon oncle, à ce qui jusqu'à maintenant avait été ma vie. Je l'ai vue agréable et vide et j'ai su qu'elle ne le serait jamais plus. Je m'en suis profondément réjoui.»

La destinée des réalistes viscéraux rassemble une suite folle d'aventures littéraires, amicales, sexuelles, politiques, révolutionnaires, propres à ces années-là. La plupart sont absurdes, mais l'absurdité, dans l'oeuvre de Bolaño, est un état privilégié de sympathie. Quand la réalité pleure,