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Critique

Joseph, père hors pair

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Un essai sur la paternité médiévale par Paul Payan.
publié le 30 mars 2006 à 20h46

«Sans mère au ciel, et sans père sur terre», bref un orphelin, où qu'il se retourne. Due à Isidore de Séville et souvent reprise, cette formulation théologique a défini, jusqu'au Moyen Age tardif, la double filiation du Christ : terrestre et temporelle du côté maternel, divine et éternelle du côté paternel. A Joseph, l'époux de Marie et père légal de l'Enfant, revenait, évidemment, un rôle effacé et pourtant problématique dans la continuité du récit évangélique fondateur, où il s'agissait avant tout d'affirmer la virginité de la Madone. Cependant, entre le XIVe et le XVe siècle, les choses ont commencé à bouger en faveur du père humain de Jésus, qui acquiert, en quelques décennies, respectabilité, honneurs et, enfin, la reconnaissance tardive mais grandissante de sa sainteté. Paul Payan reconstitue cette étonnante palinodie dans Joseph : Une image de la paternité dans l'Occident médiéval. Pour ce faire, le jeune historien de l'université d'Avignon a suivi l'invention du nouveau statut de Joseph à travers les transformations du discours le concernant dans une lecture croisée de l'iconographie et de la théologie qui s'éclairent mutuellement, disant ouvertement, à tour de rôle, ce que l'autre cache.

A la recherche de modèles humains de proximité avec Dieu, les moines sont fascinés par Joseph : n'est-ce pas lui qui a été le plus proche de l'Enfant, qui l'a connu le plus intimement, à part évidemment sa Mère ? Bernard de Clairvaux est le premier à souligner ce contact charnel priv