Quand, il y a quatre ans, Ali et Nino a été publié en français, les lecteurs ont découvert un très charmant roman qui raconte une histoire d'amour dans le Caucase, à la veille de la Révolution russe, entre un prince chiite et une jeune Géorgienne. Dans Ali et Nino, on se rend à l'opéra de Bakou pour écouter Eugène Onéguine après avoir pris le thé au harem et fait «la conversation à quantité de grosses dames» et on participe à des joutes poétiques dans le Karabakh. Grâce à la préface (1), qui reprenait de longs extraits d'un article du New Yorker, les lecteurs découvraient aussi que Kurban Saïd, l'auteur de ce livre, avait eu une vie incroyablement romanesque. Entretemps, le journaliste du New Yorker, Tom Reiss, a poursuivi son enquête et écrit un livre, l'Orientaliste (qui sort en France en même temps que la Fille de la Corne d'Or, un autre roman de Kurban Saïd).
En 1998, Tom Reiss part en Azerbaïdjan enquêter sur le nouveau boom pétrolier. Faute de trouver un guide sur le pays, il achète d'occasion un roman dont il a vaguement entendu parler, Ali et Nino, et se rend compte, en arrivant à Bakou, que le roman est considéré comme le chef-d'oeuvre national, mais que personne ne sait qui en est l'auteur. Un poète azéri mort au goulag, le fils d'un magnat du pétrole, un intellectuel viennois ? Tom Reiss abandonne le pétrole et se lance sur la piste de Kurban Saïd. Première découverte : le contrat signé en 1937 par l'éditeur autrichien indique que Kurban Saïd est le pseudonyme de l