Antoine Gimenez, l'auteur du récit superbe qui ouvre les Fils de la nuit, s'appelle Bruno Salvadori. Il est italien, né en 1910 en Toscane. Il devient Gimenez dans les années 30 alors qu'il vagabonde entre Marseille et Barcelone. Pour égarer la police secrète fasciste, l'OVRA, qui l'a catalogué antifasciste. Les flics de Mussolini ne feront pas le lien entre Salvadori et Gimenez. En 1935, Gimenez-Salvadori est sans doute antifasciste autant qu'il est monte-en-l'air et trimardeur. S'il a lu adolescent les grands auteurs anarchistes , il n'est pas militant et se sent avant tout révolté.
En juillet 36, tout change. Le 17, les généraux Mola, Sanjurjo et Franco soulèvent une partie de l'armée contre le gouvernement légal de Front populaire. Ils pensent balayer les partis de gauche et installer une dictature. Ils déchaîneront une guerre civile d'une cruauté rare. A Barcelone, les ouvriers (ainsi que la police catalane et les troupes restées loyales...) ripostent et font échec aux putschistes. A partir du 20 juillet, les libertaires armés et victorieux peuvent lancer le «Bref été de l'anarchie», comme l'a nommé l'écrivain allemand Hans Magnus Enzensberger. Le rêve commence à se réaliser : les entreprises et des exploitations agricoles sont collectivisées, un comité des milices remplace pour quelques semaines l'Etat catalan. Des colonnes placées sous la direction du militant anarchiste Buenaventura Durruti, partent à pied, à cheval et en camions grossièrement blindés vers l'Ouest, l'