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Libération
Critique

Du mauvais tour fait à la révolution

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L'origine des totalitarismes revue par Losurdo.
publié le 20 avril 2006 à 20h59

L'ébranlement qu'a provoqué la Révolution française a, depuis plus de deux siècles, suscité l'émergence d'une école «révisionniste». Certes composite puisqu'elle rassemblerait des auteurs aussi singuliers qu'Edmund Burke, François Furet, Ernst Nolte ou Carl Schmitt, cette mouvance s'unirait autour d'une commune dénonciation de 1789, largement responsable de l'émergence des totalitarismes nazi et bolchevique. C'est cette thèse que s'emploie à réfuter Domenico Losurdo, historien italien de la philosophie.

En soulignant, tout d'abord, les étranges oeillères d'intellectuels qui, suivant Burke, célèbrent les révolutions libérales de l'Angleterre puis des Etats-Unis en jetant l'anathème sur la furie jacobine. Car la première étendit par la force un empire colonial liberticide et la seconde s'accommoda, durant des décennies, d'un esclavage auquel succéda, jusqu'en 1954, un régime d'apartheid. Ces deux grandes démocraties, par surcroît, purent parfois partager une vision raciste du monde. Des Américains, Henry Ford en tête, offrirent une contribution remarquée à l'antisémitisme et diabolisèrent les Japonais durant la Seconde Guerre mondiale au point de les interner dans des camps. Dans la même veine, les Protocoles des Sages de Sion furent forgés dans une officine tsariste. De sorte que le racisme exterminateur nazi, loin d'être la réplique de la logique meurtrière bolchevique comme le prétend Nolte, peut tout aussi bien être rattaché à une solide tradition antisémite imprégnant régi