Ce n'est pas facile d'écrire sur la peinture. De prolonger son mouvement en le métamorphosant. Emmelene Landon écrivant sur les peintures de Susanne Hay semble mieux qualifiée que d'autres. Peintre elle-même et qui plus est amie avec Susanne Hay depuis leur rencontre en 1985, toutes deux étudiantes dans l'atelier de Crémonini aux Beaux-Arts de Paris. De fait, explicitant à la volée sa méthode, Emmelene Landon écrit qu'elle pense les mots comme elle pense les couleurs. En précisant que cette façon de parler de la peinture n'est pas théorique, mais une sorte de réflexion de l'intérieur. Reste que cette intimité pourrait se retourner en handicap : trop près d'un tableau, trop près d'une amie, on ne voit plus que la croûte, on n'effleure que l'épiderme.
Si Emmelene Landon a déniché la bonne distance c'est parce qu'elle s'est imposée à elle comme une méchante invitée surprise au banquet de la vie. En août 2004, Susanne Hay s'est noyée dans un lac au Portugal en voulant sauver deux enfants. Aucun effet d'annonce dans cette sacrée nouvelle distillée au fil du livre, débitée en plusieurs morceaux pour rendre le monstre sinon digeste, du moins mangeable. La mort de Susanne : presque un postulat clandestin, une hypothèse transfuge qu'il faut admettre autant que démontrer. «J'écris pour être avec elle», ce qui n'est pas la même chose qu'écrire pour se souvenir et, partant, se consoler. Elle aurait pu dire aussi bien : «J'écris pour être avec vous.» Vous, c'est nous, pris avec Susanne et