Au Caire
Aller à l'encontre de la censure et du politiquement correct : pour l'éditeur égyptien Mohamed Hachem, cet engagement a longtemps été synonyme de tracasseries et de vache enragée. En créant en 1998 sa maison d'édition, Merit («la belle», en égyptien ancien), ce franc-tireur de la culture a délibérément choisi la marginalité en choisissant de publier l'impubliable en son pays. Loin d'emboîter le pas aux grandes maisons d'édition gouvernementales, versées dans les thèmes les plus populaires comme le moralisme religieux, les théories du complot ou le conservatisme politique, les éditions Merit sont aujourd'hui couronnées par le prix Jeri Laber, attribué par l'Association des éditeurs américains à «un éditeur en dehors des Etats-Unis qui a montré du courage face à la persécution politique et aux restrictions de la liberté d'expression». Sous le coup d'une fatwa des oulémas de l'université d'Al Azhar, après avoir publié en 1998 un essai de Khalil Abdel Kerim, l'une des voix discordantes de l'Islam, Mohamed Hachem a vu son audace doublement récompensée après avoir été le premier à accepter de publier l'Immeuble Yacoubian, d'Alaa El Aswany, aujourd'hui best-seller. «Cette récompense est celle de la liberté d'expression», a commenté Alaa El Aswany en rendant hommage à son éditeur. Figure de la gauche égyptienne, Mohamed Hachem fait aussi partie du mouvement Kifaya (littéralement «ça suffit»), qui depuis deux ans milite pour le changement politique et la démocratie en Egypte.