Le 8 février 1962, les organisations de gauche, communistes au premier chef, appelèrent à protester contre la campagne d'attentats que menait l'OAS en métropole. Interdite par le pouvoir gaulliste, la manifestation rassemblant sans doute quelque 20 000 personnes fut sévèrement réprimée, les charges de la police causant neuf morts à la station Charonne. Au mépris de l'évidence, ce «massacre d'Etat» fut avec constance nié par les autorités politiques et policières, promptes à imputer la faute à l'irresponsabilité des chefs communistes, à la violence des manifestants, voire à une provocation de l'OAS. Il n'en fut rien, comme le démontre Alain Dewerpe dans un livre qui se pose et en leçon d'histoire et en monument de piété filiale, puisque Fanny Dewerpe, la mère de l'auteur, compta au nombre des victimes.
Charonne se situe tout d'abord à la confluence de stratégies antagoniques. Les communistes, en clamant leur colère, voulaient protester contre les violences de l'OAS, renouer avec une stratégie antifasciste favorisant l'union de la gauche, peser peut-être dans le futur règlement du conflit algérien.
L'OAS, pour sa part, cherchait à attiser la haine opposant gaullistes et communistes afin d'embarrasser le pouvoir. Autant de pressions que rejetait Charles de Gaulle. Ce dernier, par principe, souhaitait maintenir l'autorité de l'Etat, quitte à afficher un détachement hautain face au bruissement de l'opinion publique ; il n'éprouvait, par culture, aucune inclination pour les mani