Les poèmes de Raymond Carver ressemblent à ses nouvelles (et ses nouvelles à des poèmes). L'écrivain américain, né en 1938 et mort en 1988, a le don de susciter immédiatement la solidarité avec ses personnages, une compassion sans condescendance de laquelle on ne peut se dégager. On se reconnaît dans un sentiment, un regret, une tristesse. Ce qu'il décrit est toujours d'une absolue précision et d'un vague total, c'est une brutalité ciselée. Ses textes sont des morceaux d'humanité, pas étonnant qu'on s'y retrouve.
La Vitesse foudroyante du passé est un recueil de poèmes paru aux Etats-Unis en 1986 sous le titre Ultramarine. Celui qui donne son titre au recueil français commence ainsi: «Il enterra sa femme qui était morte dans/ la misère. Dans la misère, il/ gagna le porche, où il regarda/ le soleil se coucher et la lune se lever.» Les dernières lignes en sont: «Avec son couteau il pela/ une pomme. La pulpe blanche, corps/ de la pomme, s'assombrit/ et vira au brun, puis au noir/ sous ses yeux. Le visage usé de la mort!/ La vitesse foudroyante du passé.» Raymond Carver a le talent de donner une noblesse à chaque objet, à chaque être au coeur même de sa déchéance si familière à l'auteur (il considérait comme le jour le plus important de sa vie le 2 juin 1977 où il cessa définitivement de boire, «Pour être franc, de tout ce que j'ai fait dans ma vie, c'est de cela que je suis le plus fier»). Dans «Dormir», il évoque un homme qui a dû se reposer dans les lieux et les positions les