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Libération
Critique

L'art de la fugue.

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Le roman vrai d'un physicien cubain qui fuit l'Ukraine sous la perestroïka après avoir refusé de retourner chez lui.
publié le 11 mai 2006 à 21h11

L'exil est devenu l'ordinaire de la condition humaine. Cet ordinaire est extraordinaire. Le comique et le tragique dansent au corps à corps sur fond sans fond de solitude. Onze ans avant sa mort, le romancier Jesús Díaz quitte Cuba pour Berlin. Il a une bourse. Il y reste après la bourse. L'avenir a les mains vides, mais c'est le seul avenir. La vie de l'auteur exilé, vie avec famille, vie de tant de Cubains, vie sans caresse de certitude, débute. Elle finit à Madrid, en mai 2002, où il meurt d'un infarctus à soixante ans. Ses trois derniers romans ne parlent que d'exil et de frottement culturel. Ils sont, au sens propre, picaresques : non seulement parce qu'ils sont cubains (grossièreté, affectivité, naturel, humour); mais surtout parce que tout exilé renaît pour apprendre dans la surprise, l'aventure et la souffrance ; tout exilé est un parcours initiatique.

Le dernier roman, les Quatre Fugues de Manuel, a été publié en Espagne juste avant le décès de Díaz. En 1991, un jeune physicien cubain effectue ses études à Kharkov, en Ukraine, dans l'un des instituts prestigieux d'URSS. Il s'appelle Manuel Desdín. Il est brillant. Il trouve un algorithme important. La femme qu'il aime est partie à l'Ouest pour vivre sa carrière. Il cherche un autre algorithme, l'algorithme de l'amour, «une formule infaillible capable de lui procurer le bonheur en éliminant la souffrance qui l'oppressait en ce moment, et, aussitôt, il se traita d'imbécile».

La rencontre entre l'URSS et Cuba était aussi