Rarement des écrivains furent plus attentifs à leurs collègues, plus généreux envers eux que Valery Larbaud et Jacques Rivière. Celui-ci, né en 1886 et mort en 1925, met de côté sa propre oeuvre quand il prend en 1919 la direction de la Nouvelle Revue française. Pour sa part, l'auteur de Barnabooth, Fermina Marquez et Ce vice impuni, la lecture, né en 1881 et mort en 1957 après qu'une attaque cérébrale l'a rendu paralysé et aphasique dès 1937, a consacré une part énorme de son travail à traduire ou introduire en France, grâce à sa culture et sa connaissance des langues, des auteurs aussi divers que William Faulkner, Ramon Gomez de la Serna, Walt Whitman, Samuel Butler, Eça de Queiroz et, bien sûr, James Joyce qu'il tâchera en vain de faire éditer par Jacques Rivière et la NRF.
Notes pour servir à ma biographie (An Uneventful One) est un bref texte de 1927 dont les éditions Claire Paulhan reproduisent le fac-similé avec des documents photographiques émouvants. Il s'agit d'une réponse à Roger Martin du Gard qui, pour une biographie qu'il n'écrivit jamais, demandait à Larbaud de lui décrire une de ses journées de travail. Le biographé, souhaitant que son histoire publique soit celle de son oeuvre et non de lui-même, écrit un texte qui, comme l'indique son titre, est aussi inévénementielle que possible (aucune anecdote). Héritier par son père des sources de Saint-Yorre à Vichy mais sous tutelle financière de sa mère, le riche écrivain évoque la «paresse (apparente)» de l'artiste