Chaque année, son père, un ancien déporté, fait son petit voyage à Auschwitz. Les préparatifs le rendent fébrile puis il revient tout joyeux. Sa mère s'y est habituée «comme d'autres s'accommodent des escapades du mari lors de l'ouverture de la pêche». «Je sais qu'il entreprend ce voyage comme un gamin qui traîne sa luge au sommet d'une colline, pour savourer ensuite la joie de redescendre dans la vallée, écrit Ivan Kraus, j'ai compris qu'à chaque fois mon père attend ainsi cet instant merveilleux, celui de rentrer à la maison.»
Dans Réunions de famille, un recueil de textes attachants et pleins d'humour, Ivan Kraus raconte ses souvenirs d'une enfance particulière. Dans la capitale tchèque où il est né, à Paris où il a émigré après la répression du printemps de Prague en août 1968, en passant par Bogota, New York et Baden-Baden où ses frères et soeurs se sont installés, il ébauche par touches délicates le portrait d'une famille éclatée, dominée par la figure drolatique du père au passé pourtant tragique. Ivan Kraus a à peine quinze jours lorsqu'en 1939 son père, juif, est arrêté par la Gestapo. Il ne reviendra des camps que six ans plus tard.
Avec son écriture légère, pas prétentieuse pour un sou, Kraus a quelque chose d'un magicien. Sans forcer le trait ni tomber dans le pathos, il ressuscite l'univers concentrationnaire nazi avec des scènes de quelques lignes. C'est toujours le père qui raconte Ivan, lui, se souvient. Un jour son gendre colombien en visite lui rapporte des