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Libération
Critique

Justice pour tout le monde.

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John Rawls (1921-2002) a cherché à concilier droit et mondialisation.
publié le 1er juin 2006 à 21h39

Un des acquis fondamentaux des sociétés démocratiques est qu'elles reconnaissent à chaque citoyen la possibilité de mener sa vie en fonction de ce à quoi il aspire, de ses désirs, projets ou idéaux. Cette aspiration légitime est assurément déterminée par ce que l'on est (in) capable de faire, ce que l'on a reçu de la loterie naturelle (facultés intellectuelles, force musculaire, sexe, couleur de peau, caractère, santé...) et ce que l'on a hérité, reproduit, gagné ou perdu dans le jeu social. Mais, si elle est propre à chacun, elle doit cependant se mesurer avec celle de tous les autres, selon des modalités qui peuvent aller de la coopération au conflit. La façon dont toute personne bâtit à sa guise ce qu'elle estime être son «bonheur» n'est pas indépendante non plus de l'Etat, qui influe sur cette construction privée parce qu'il dépend en grande partie de lui que soient ou non garanties la sécurité, la paix, la justice, la liberté, la prospérité... Lorsque le poids de chaque Etat se trouve réduit parce qu'agissent au-dessus de lui des instances supranationales, des «empires» ou des réseaux économiques et financiers multinationaux ­ c'est ce qui se passe à l'ère de la mondialisation ­, la capacité de chaque citoyen à orienter sa vie se trouve confrontée à des forces quasi invisibles, plus difficiles en tout cas à maîtriser, contrer ou infléchir. La philosophie politique, qui de tout cela veut rendre raison, se doit alors de changer le niveau d'analyse, et, si elle est fidèle