En décidant de composer un livre de souvenirs sur le modèle de l'ardoise magique, l'insaisissable Gore Vidal entendait échapper à tous les pièges de la subjectivité mais certainement pas au narcissisme érigé depuis longtemps par lui en loi. Auteur capricieux d'une oeuvre-mosaïque, d'où émergent quelques romans magnifiques comme Myra Breckinridge et le légendaire Garçon près de la rivière, on a fini par ne plus voir en lui qu'une langue de vipère commentant depuis son nid d'aigle de Ravello, sur la côte amalfienne, les turpitudes du monde américain et les faits et gestes de ses innombrables amis.
Dès les premières pages de Palimpseste, on découvre sans surprise un Gore Vidal feignant avec superbe de renoncer aux règles élémentaires de l'autobiographie pour se lancer dans le récit de ragots familiaux éclairant la venue au monde de ce rejeton d'une lignée sudiste: le grand-père sénateur, le remariage de sa mère avec le futur beau-père de John Kennedy, etc. Peu à peu, émerge la figure de l'adolescent contrarié qui découvre son ambiguïté sexuelle et nous en apprend davantage sur le beau Jimmy Trimble, dont la mort à Iwo Jiwa, à l'âge de vingt ans, laissera son ami inconsolable. Le sénateur Gore, conseiller de Woodrow Wilson et Roosevelt, a semé en lui la petite graine du désir de gloire, mais l'adolescent rebelle de la Los Alamos Ranch School insupporte professeurs et élèves par ses grands airs et squatte la bibliothèque où il dévore Shakespeare.
Au cours d'un premier voyage en Eur