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Libération
Critique

Doré sur tranches.

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Vente d'exception à Drouot de la collection du libraire Pierre Berès.
publié le 8 juin 2006 à 21h44

Au XVIe siècle, on ne rangeait pas les livres comme de nos jours, en dirigeant leur tranche contre le mur pour exposer le dos des reliures. On posait les volumes en sens inverse, le dos occulté et la tranche offerte. Le nom de l'auteur (pas le titre) s'inscrivait sur cette gouttière.

Chez les Pillone, riche famille vénitienne de la Renaissance, on poussait le raffinement jusqu'à faire peindre ces tranches de décors à l'aquarelle. On pouvait ainsi l'orner d'un portrait fictif de l'auteur, philosophe antique représenté en érudit Renaissance, tandis que les tranches de tête et de queue portaient des paysages avec animaux. Lancée par Antonio Pillone (1464-1533), cette pratique fut poursuivie par Odorico (1503-1594), puis Giorgio Pillone (1539-1611), qui confièrent l'ornementation de leurs livres à Vecellio, le neveu du Titien. Leur cabinet contenait quelque 160 volumes et perdura pendant trois siècles. Le dernier humain à le contempler fut sans doute l'antiquaire Paolo Marezio Bazole, qui l'acquit en 1874 pour le collectionneur Thomas Brook, dans la bibliothèque duquel ces livres merveilleux restèrent jusqu'à leur achat par le libraire parisien Pierre Berès, vers 1957.

Spécialiste des livres anciens, Berès a revendu certains «Pillone», et en a, pour lui-même conservé trois, magnifiques : un Hérodote, un Aristote et un Euclide. Ils font partie des trésors qui seront dispersés le 20 juin à Drouot Richelieu. A 94 ans, le libraire se sépare des biens de toute une vie. C'est la quatriè