Un grand livre sur l'alcool ? Une autopsie de l'Irlande d'avant Vatican II ? Un traité du désespoir avec une leçon de vie ? Un traité de la renaissance perpétuelle avec une charte de scepticisme ? Il y a différentes manières de lire Bel et bien morts. C'est d'abord un recueil de souvenirs littéraires, qui démontre par exemple comment l'indiscipline locale s'accommode mal des normes du roman traditionnel. Le poète Anthony Cronin, nouveau trésor sorti de l'imagination de l'éditeur d'Anatolia, Samuel Brussell, fait le portrait de trois des écrivains irlandais les plus importants de l'après-guerre : le dramaturge Brendan Behan (1923-1964), le poète Patrick Kavanagh (1905-1967), et le romancier Flann O'Brien (1911-1966), à quoi il ajoute leur confrère anglais Julian Maclaren-Ross (1912-1964) et trois peintres morts aussi bien. Cronin, né en 1928, vaguement avocat puis pilier de pubs et de revues à Dublin et à Londres (The Bell, Time and Tide), a été leur ami au tournant des années 50, dans une période où aucun n'était au mieux de sa forme.
Cronin n'a pas l'intention de raconter sa vie, il s'efface pour mettre les autres en lumière. Il ne parle de lui que lorsqu'il s'agit de frasques communes, quand il faut choisir entre boire et se loger, ou quand c'est Noël et qu'on n'a pas un sou vaillant. En 1950, l'année de la mort d'Orwell, il part sur le continent en compagnie de Brendan Behan. Géant exhibitionniste, ex-membre de l'IRA fort de ses années de maison de redressement, Behan prés