Les détails ne meurent jamais. Ils ont l'avantage d'être précis. Il arrive même qu'ils rendent modeste. C'est donc par eux que Gérard Genette, dans son abécédaire intime et traversier, Bardadrac, commence, continue et finit : un lieu, un paysage, un objet, un mot, une phrase, une citation lancent un souvenir qui en appelle un autre, qui se referme sur un autre, et l'écrivain vole lentement, de liane en liane, sur ces «épiphanies contingentes». «Mon imagination, dit-il, ne porte que sur les détails. J'aime assez la diagonale, la parallaxe, et un peu les zigzags. Et je n'aime pas conceptualiser un livre qui, pour une fois, me sort de la conceptualité.»
Il aime aussi les descriptions, leur cheminement et leur texture : Bardadrac rappelle qu'elles ne sont ennuyeuses que pour un oeil sans regard dans une phrase sans matière. Proust, dont Genette analysa l'essence métaphorique dans Figures 1 (1966), fut découvert à 25 ans, dans les années cinquante, par un recueil de morceaux choisis. Ces morceaux choisis n'étaient que descriptions ; il les aima aussitôt. Plus tard, il a écrit qu'il préférait, contrairement à d'autres, sauter les passages narratifs qui s'intercalaient entre elles. C'est un paradoxe qu'il est inutile de croire jusqu'au bout : Genette aime Balzac et il a lu, enfant, Dumas, Jack London et les autres ; mais la «mécanique narrative» le fatigue vite, car il en voit «le mécano».
Puis, dans les intrigues, «il y a trop d'actions humaines, et ce n'est pas ce qui me plaît le p